Jade Perraud : Bonjour Olivia Charlet, comment avez-vous découvert la naturopathie ?
Olivia Charlet : Pour des raisons de santé auxquelles j’ai été confrontée assez jeune, je me suis au fil du temps, de plus en plus intéressée à toutes les techniques et thérapies ayant pour but l’optimisation de l’équilibre des différentes fonctions de notre organisme, c’est-à-dire l’homéostasie.
Tout est interconnecté, ainsi un organe en souffrance a des répercussions et interactions avec l’ensemble de l’organisme et il est essentiel d’avoir une vision globale de chaque individu. La naturopathie s’attache à trouver la cause profonde d’une problématique de santé et non à agir sur le symptôme. Elle intègre une vision holistique de la santé.
C’est cela vraiment qui m’a fait découvrir la naturopathie et devenir praticien de santé naturopathe. De plus, pour la naturopathie, l’alimentation est un pilier majeur de la santé, avec l’activité physique et la gestion des différents stress et émotions auxquels nous sommes exposés au quotidien. Ces principes devraient d’ailleurs être enseignés dès le plus jeune âge.
Jade Perraud : Vous êtes une passionnée de nutrition et de biologie nutritionnelle. Qu’est-ce qui vous a amenée sur cette voie ?
Olivia Charlet : Je recherche en permanence à mieux comprendre le corps humain et l’impact de nos choix alimentaires sur notre santé et sur l’équilibre de notre microbiote.
De formation scientifique, j’ai en effet suivi plusieurs enseignements en nutrithérapie et en micronutrition et je continue en permanence à me former en biologie nutritionnelle et sur tout ce qui est en lien avec notre microbiote, au cœur de notre santé. J’aime investiguer et analyser chaque jour les différentes études scientifiques concernant l’impact de telle alimentation sur notre santé et notre microbiote.
Selon moi, si on explique simplement mais scientifiquement pourquoi manger tel aliment, par exemple des aliments sucrés le matin, entraîne telles réactions dans le corps et à terme à quoi cela peut conduire au lieu juste de dire ne pas manger cela…, cela a beaucoup plus d’impact sur la personne et surtout la rend responsable de ses choix.
L’impact de l’alimentation sur notre santé est beaucoup trop minimisé aujourd’hui car on n’en ressent pas tout de suite les méfaits ou les bienfaits, et donc par la biologie nutritionnelle avec des bases solides scientifiques, il ne peut plus y avoir de doutes. Expliquer des choses compliquées simplement, c’est vraiment ce qui m’anime et cela permet à chacun de se reconnecter avec son corps.
Jade Perraud : En collaboration avec Alix Lefief-Delcourt, vous venez de sortir aux éditions Leduc.S « Ma Bible de l’alimentation Cétogène 100 % hypotoxique ». Comment avez-vous découvert l’alimentation Cétogène low carb 100 % hypotoxique ?
Olivia Charlet : Je pratique l’alimentation hypotoxique depuis plus de 13 ans sur moi-même selon les principes du Dr Seignalet suite à différents dysfonctionnements auto-immuns qui m’ont conduit à vivre sans thyroïde depuis 14 ans et avec une pathologie auto-immune à l’estomac notamment.
L’alimentation hypotoxique, c’est-à-dire sans gluten ni maïs, sans caséine (aucune source de produits laitiers), sans excès de protéines animales, faisant la part belle aux légumes de qualité biologique et bonnes graisses oméga-3, m’a permis de réguler ces processus auto-immuns.
Je suis d’ailleurs devenue végétalienne progressivement. Mais effectivement il y a environ 3 ans j’ai fait différentes recherches aux États-Unis sur l’alimentation cétogène, une alimentation qui pour faire simple mime le jeûne et permet ainsi de bénéficier de ses nombreux avantages, notamment sur le système immunitaire et la régulation des processus inflammatoires.
Par contre, ce qui peut surprendre suivant ce que l’on nous a appris jusqu’ici est qu’elle fait la part belle aux graisses qui pour permettre la production de corps cétoniques doivent représenter environ 80 % de nos apports caloriques et les glucides (hors fibres) pas plus de 5-10 % ce qui n’est pas du tout ce qui a été jusqu’ici recommandé et d’ailleurs pratiqué dans une alimentation hypotoxique où les féculents restent la base dans les repas !
J’ai en effet combiné dans mon alimentation les principes de l’hypotoxique et du cétogène qui souvent mettent en avant une consommation importante de produits laitiers (fromage, crème fraîche) et de viande ce qui est une absurdité selon moi si l’on souhaite travailler sur la régulation de l’inflammation et la réparation de la muqueuse digestive. Ce principe me gênait beaucoup par mes connaissances en nutrithérapie et naturopathie.
C’est de cette manière que j’ai mis en place une alimentation cétogène mais 100 % hypotoxique sur moi et j’ai vite vu les résultats sur ma santé et c’est ce qui m’a conduit à la partager dans un premier livre en 2017 (Mes programmes cétogènes 100 % hypotoxiques – aux éditions Leduc.S) puis dans ce livre beaucoup plus complet et scientifique (Ma bible de l’alimentation cétogène 100 % hypotoxique – aux éditions Leduc.S).
Jade Perraud : Pouvez-vous nous parler de cette alimentation ? Quels en sont les principes ? En quoi cela consiste-t-il ?
Olivia Charlet : Elle est souvent décrite comme très restrictive, contraignante, difficile à suivre… et cela me fait sourire car les personnes qui écrivent cela ne l’ont jamais expérimentée sur eux-mêmes.
Je prends énormément de plaisir en tout ce que je mange et c’est d’ailleurs un point important car rien de pire que d’être frustré ! C’est d’ailleurs ce que j’explique dans mes consultations.
Par contre effectivement supprimer le sucre dans une première étape n’est pas chose facile à faire car nous sommes la plupart sans le savoir addict aux aliments sucrés.
Et la deuxième étape sera de réduire fortement les glucides (céréales et féculents) car même si une baguette de pain n’a pas le goût sucré en bouche, lorsque l’amidon est découpé par nos enzymes, cela devient du sucre qui pénètre notre muqueuse intestinale.
L’organisme ne fait pas la différence (un ½ baguette c’est environ 12 sucres tout de même…).
C’est donc la phase de transition qui est la plus difficile à vivre forcément et il faut y aller à son rythme et être patient. Déjà réduire sa quantité de glucides et la remplacer par des légumes verts alcalinisants et des bonnes graisses vous permettra de mieux vous sentir et ce qui est important est la progressivité.
Vous l’aurez compris cette alimentation hypotoxique et cétogène ou low carb (soit pauvre en glucides) fait la part belle aux légumes pauvres en glucides dans l’assiette (légumes lactofermentés, brocoli, chou-fleur, endives, poireaux, courgettes, blettes etc.) avec de bonnes huiles riches en oméga-3 (cameline ou colza sur des crudités), oméga-9 (avocat, olives, noisettes) et en triglycérides à chaîne moyenne (dont principalement l’huile de coco et l’huile TCM), aussi aux oléagineux (sources de bonnes graisses, minéraux et vitamines) et une source de protéine de qualité biologique (viande biologique d’animaux élevés en plein air, œufs bio bleu blanc cœur, tofu et tempeh biologiques, amandes, chanvre…).
Lorsque l’on mange de cette manière, cela va permettre à l’organisme de passer en cétose nutritionnelle et ainsi à nos petites centrales énergétiques du foie (mitochondries) de produire de l’acétoacétate et du bêta-hydroxybutyrate, le carburant relais des cellules pour fabriquer de l’ATP.
Le bêta-hydroxybutyrate (BoHB) est bien plus qu’un simple métabolite ou substrat énergétique, et il a notamment d’importants rôles de signalisation cellulaire. Il est l’une des clés expliquant les nombreux bienfaits de l’alimentation cétogène dans le traitement de certaines pathologies, notamment pour le cerveau.
Le βbêta-hydroxybutyrate (BoHB) est absorbé rapidement par le cerveau et il a un effet protecteur des neurones en diminuant la neuro-inflammation. Il a également une action anti-inflammatoire, car il bloque notamment l’activité de l’inflammasome complexe NLRP3, responsable d’inflammations majeures.
C’est aussi une molécule particulièrement intéressante pour sa capacité à optimiser l’expression de nos gènes, c’est-à-dire la manière dont nos cellules interprètent les instructions de l’ADN.
Il améliore l’expression des gènes en libérant des protéines qui augmentent la longévité et la protection antioxydante (notamment en activant les gènes FOXO, qui régulent la résistance au stress oxydatif, le métabolisme, le cycle cellulaire et l’apoptose, qui influent sur la longévité et la durée de vie).
Jade Perraud : Quelle est la place des protéines dans l’alimentation cétogène ?
Olivia Charlet : Il ne s’agit pas d’une alimentation hyperprotéinée loin de là et qui serait d’ailleurs très acidifiante pour l’organisme.
Donc manger de la viande et de la graisse uniquement ce n’est pas du tout ce que je préconise. Les protéines doivent représenter environ 15 % de nos apports caloriques et surtout doivent être de qualité. Il s’agit donc d’une consommation modérée de protéines de bonne qualité : en moyenne 0,8 g/kg de poids corporel, et un peu plus si on est sportif.
Comme vous l’aurez compris, je préconise d’introduire des protéines végétales et le tofu biologique est une protéine de qualité qui a été trop souvent décriée à tort mais vous découvrirez tout cela dans le livre.
Concernant les protéines animales, choisissez-les toujours biologiques, d’élevage en plein air et des œufs dont les poules ont reçu une complémentation en lin pour ne pas avoir des œufs trop riches en oméga-6. Soignez également la cuisson qui doit rester douce (vapeur, mijoté…).
Jade Perraud : Quelles sont les bonnes proportions à adopter ?
Olivia Charlet : Dans l’alimentation cétogène :
- les lipides représentent 70 à 80 % des apports énergétiques totaux ;
- les protéines représentent 15 à 20 % des apports énergétiques totaux ;
- les glucides nets (hors les fibres) représentent 5 à 10 % des apports énergétiques totaux.
En pratique, voici comment peut se composer une assiette dans l’alimentation cétogène hypotoxique :
- ¾ de l’assiette en légumes (par exemple une belle portion de brocolis cuits à la vapeur arrosés de 2 belles cuillerées à soupe d’huile d’olive ou d’huile de coco, avec des épices de type ayurvédique – curcuma, cumin, curry…) ;
- 100 g de tofu arrosé d’huile de cameline et d’épices ou une omelette (avec 2 œufs et de l’huile de coco) ou quelques sardines à l’huile d’olive ;
- un pudding de chia au cacao (céto-adapté) ou un yaourt de lait de coco avec de la cannelle ou une dizaine d’amandes en dessert ou deux carrés de chocolat noir idéalement à 100 %.
Jade Perraud : Comment bien choisir ses graisses ?
Olivia Charlet : Comme les graisses sont importantes dans cette alimentation, il faut effectivement prendre soin de bien les choisir.
Une graisse doit toujours être dans un contenant en verre et non en plastique pour éviter les perturbateurs endocriniens.
Nous avons besoin d’acides gras essentiels (que le corps ne sait pas synthétiser), oméga-3 et oméga-6 mais dans un rapport oméga-6 sur oméga-3 plutôt de 1 ou 2 et surtout inférieur 4 si l’on ne souhaite pas avoir une alimentation inflammatoire.
Les oméga-6 sont très présents dans notre alimentation et malheureusement par l’alimentation donnée aux animaux, les oméga-3 ont quasiment disparu. Comprendre l’impact des graisses sur notre santé est un sujet complexe et passionnant.
Ce qu’il faut retenir est que les oméga-3 et 6 régulent des signaux inflammatoires ou anti-inflammatoires et pour faire simple une alimentation riche en oméga-6 sera inflammatoire.
D’où l’importance d’introduire dans des recettes non chauffées des graines de chia, des graines de lin moulues, de l’huile de cameline et de colza notamment. Et de consommer des petits poissons gras riches en EPA/DHA (sardines, anchois principalement) mais surtout en cuisson douce car les oméga-3 sont extrêmement fragiles ou de se complémenter en une huile riche en une microalgue très riche en EPA/DHA qui est le Schizochytrium (si l’on est végétarien ou végétalien la conversion en EPA des huiles végétales n’est pas facile et suffisante pour obtenir un ratio équilibré).
Les huiles riches en TCM seront très importantes pour activer la cétose, agir sur le microbiote et sont hyper digestes. On fait d’ailleurs des boissons intégrant ce type de graisse.
Les acides gras saturés ne sont pas du tout à diaboliser, ils sont indispensables à l’organisme mais ne doivent pas être la seule source d’acide gras de l’organisme. Par contre toute source de graisse trans ou oxydée est à supprimer car cancérigène et augmentant les risques de pathologies cardiovasculaires notamment !
Donc à bannir les huiles partiellement hydrogénées que l’on retrouve dans de nombreuses margarines d’ailleurs dans du plastique, et tous les aliments industriels transformés notamment.
Jade Perraud : Quelles sont les indications de l’alimentation cétogène ?
Olivia Charlet : Elles sont très nombreuses, notamment toutes les problématiques liées à une résistance à l’insuline ou à l’insuline tout court : diabète de type II, problème de poids, stéatose hépatique, hypertension, problématique cardiovasculaire mais aussi diabète de type I.
Toutes les problématiques liées à l’inflammation : cancer, pathologies neuro-dégénératives (Épilepsie, Parkinson, Alzheimer, Autisme…), pathologies auto-immunes…
Jade Perraud : Existe-t-il des contre-indications ou des risques ?
Olivia Charlet : Le plus important est si vous êtes médicalisé, d’en parler à votre médecin et de vous faire suivre par un thérapeute formé à ce type d’alimentation car le dosage de vos médicaments va bouger et un suivi précis devra être fait.
Bien sûr ne commencez pas ce type d’alimentation lorsque vous êtes enceinte mais une alimentation hypotoxique sans excès de glucides sera une formule plus adaptée durant cette période.
De même si vous avez une insuffisance rénale, préférez une alimentation hypotoxique et diminuez progressivement les glucides sans rechercher spécifiquement la cétose nutritionnelle.
Les erreurs faites de manière générale sont : pas assez de légumes alcalinisants conduisant à une alimentation trop acidifiante pour l’organisme et ces conséquences pour la santé (manque d’EPA/DHA et trop d’acide arachidonique). Ne pas choisir les bonnes graisses et trop de viande de mauvaise qualité conduisant à une alimentation inflammatoire.
Et très souvent ce que je vois, ce n’est pas assez de graisse tout court et une perte de poids conséquente, à éviter complètement si vous êtes déjà en sous poids. Les acides gras sont importants pour la santé et si vous souffrez de malabsorption intestinale, cette alimentation si elle est bien mise en place vous fera reprendre du poids.
Bien sûr cette alimentation ne se substitue pas à un protocole médical notamment en oncologie mais est complémentaire pour potentialiser les résultats.
Jade Perraud : Peut-on associer à cette alimentation des compléments alimentaires ?
Olivia Charlet : C’est effectivement ce que je préconise notamment pour travailler sur une meilleure intégrité de la muqueuse intestinale (par exemple Perméa Régul® + des Laboratoires COPMED) et un apport direct en EPA/DHA (par exemple EPA – DHA des Laboratoires COPMED).
De plus cette alimentation étant diurétique, il est important d’avoir un apport optimum en potassium, sodium et magnésium. Une complémentation en électrolytes dans un complément agissant sur l’équilibre acido-basique peut être très importante notamment les 6 premiers mois et également une complémentation en magnésium (par exemple Magtorine® des Laboratoires COPMED) et en CoQ10 (par exemple Ubiquinol 100 des Laboratoires COPMED) pour le bon fonctionnement des mitochondries et de la production d’énergie.
Olivia Charlet
Nutrithérapeute, diplômée au CFNA (selon l’enseignement du Dr Curtay) et diplômée en Anatomie – Physiopathologie – Nutrition-Détoxicologie – Nutrithérapie, spécialisation dans les troubles du métabolisme et du comportement ainsi que les intolérances alimentaires, à Genève.
Praticienne de Santé, Naturopathe, diplômée en Naturopathie Traditionnelle Holistique au CENATHO (Paris), membre de la FENA (Fédération Française des Ecoles de Naturopathie) et de l’OMNES.
Praticienne en Aromathérapie formée par le Dr Daniel Penoël.