Le stress oxydant apparaît quand notre organisme ne peut plus corriger les conséquences délétères des oxydants. Les oxydants ERO (espèces réactives de l’oxygène), appelés aussi radicaux libres, et ERN (espèces réactives de l’azote) sont produits par notre organisme à partir de l’oxygène que nous respirons. Les antioxydants, qui concourent à maintenir l’équilibre entre les oxydants et les antioxydants, appartiennent à la défense antioxydante (enzymes, protéines, substances telles que le glutathion, le zinc, etc.). Un stress oxydant apparaît lorsque le déséquilibre s’installe.
Dans l’endométriose, la maladie est responsable de l’apparition d’un stress oxydant entretenu par le stress psychosocial, le travail et l’environnement. Les traitements et la micronutrition pourraient contribuer à faire régresser la maladie. L’endométriose est une maladie complexe, multifactorielle, chronique, inflammatoire, en lien avec des mutations génétiques, dépendante des hormones, des différents types de stress et de facteurs environnementaux. La maladie est dite “incurable”, ce qui signifie que les cellules endométriosiques ne veulent pas mourir.
En fait, l’endométriose désactive les gènes suppresseurs de tumeur et les cellules tueuses (Natural killer) qui pourraient la “détruire” ! C’est un des paradoxes de cette maladie. Le stress oxydant oxyde les cellules et, dans le cas de l’endométriose, les empêche aussi de mourir.
Le stress oxydant
L’oxygène que nous respirons pour vivre dès notre naissance génère des espèces réactives à l’oxygène appelées radicaux libres : ce sont les ERO. La production de ces radicaux libres ne constitue pas une situation de stress pathologique mais, du fait de leur agressivité, ils peuvent être délétères en altérant certains lipides structurels et fonctionnels, des sucres, des protéines et de l’ADN1. Ils sont néanmoins essentiels dans la lutte antimicrobienne, participent au déclenchement de l’apoptose des cellules cancéreuses et exercent un rôle majeur dans la modulation génique.
À l’état physiologique, il existe un équilibre entre les oxydants et les antioxydants. Un stress oxydant va survenir lorsque la production de radicaux libres dépasse les capacités de notre organisme à juguler leurs effets toxiques, en particulier lors d’une insuffisance ou d’une faillite des antioxydants. Les radicaux libres sont issus du transfert d’électrons, du métabolisme cellulaire, de l’inflammation, de l’immunité, de la lumière et des radiations ionisantes. S’il y a une oxydation des constituants de notre organisme, le système antioxydant répare sans arrêt, y compris la structure de l’ADN.
Équilibre entre oxydants et antioxydants
Le système de détoxification contre les ERO est constitué :
- Des enzymes antioxydantes : les superoxydes dismutases, les peroxydases, les glutathions réductases et les catalases ;
- Des vitamines A, E, C et des polyphénols ;
- Des protéines thiols disulfures antioxydantes ;
- Des protéines contenant des minéraux (fer, cuivre, zinc), en particulier les protéines thiols qui jouent un rôle essentiel dans le maintien d’une homéostasie redox ;
- Du glutathion GSH, le plus puissant des antioxydants de l’organisme, le thiol intracellulaire majeur.
Neutralisation des radicaux libres
Le stress oxydant devient une situation “pathologique” dès que le système de régulation est submergé par les ERO. À côté des facteurs pro-oxydants connus comme le tabac, l’alcool, les rayons UV, le sport intensif, l’apnée du sommeil et certains traitements chroniques, on retrouve des toxiques environnementaux dont la place est de plus en plus importante. Il s’agit des métaux lourds, des pesticides, des polluants, des phtalates, du bisphénol A et de la dioxine.
D’autres facteurs ont été identifiés :
- La sédentarité ou la pratique inadaptée d’une activité sportive ;
- Les maladies chroniques inflammatoires ;
- Certains traitements pro-oxydants ;
- Le stress psychosocial, en particulier le stress ancien et chronique.
Des travaux de recherche ont permis de montrer que les stress quotidiens sont davantage impliqués dans les fluctuations de la symptomatologie que les traumatismes majeurs et rares. Une étude sur le stress psychosocial a comparé 11 119 patients ayant eu un infarctus du myocarde à un nombre identique de patients indemnes de pathologie et a permis de définir 4 indices de stress (Odds ratio [OR])2 :
- OR de 2,14 : stress au travail ;
- OR de 2,12 : stress au domicile ;
- OR de 1,33 : stress financier ;
- OR de 1,48 : événements douloureux depuis 1 an.
La dépression est un facteur de risque de 1,55. L’influence des facteurs psychosociaux est considérable dans tous les domaines de la santé.
Le médiateur clé qui intègre toutes les réponses possibles au stress est la CRH (Corticotropinreleasing hormone). Le stress active l’axe hypophyso-hypothalamosurrénalien qui entraîne une production de glucocorticoïdes et de catécholamines. Ainsi, la réaction de décharge de catécholamines et de noradrénaline augmente la fréquence cardiaque, le débit sanguin, le tonus musculaire, la tension artérielle, et stoppe l’action de certaines glandes urogénitales ou digestives, engendrant des risques cardiovasculaires et viscéraux.
On observe également des interactions entre CRH et hippocampe3. Les glucocorticoïdes pourraient être responsables de l’immunosuppression. La CRH est un médiateur des liens entre stress et immunité comme en témoignent les modifications immunitaires importantes au cours du stress. Enfin, le stress psychosocial engendre de la fatigue, du surmenage et un manque de sommeil qui font le lit du stress oxydant.
Stress oxydant dans l’endométriose
Interférences : inflammation, hormones, stress
L’endométriose est une maladie très inflammatoire, sous la dépendance des estrogènes et du stress. De nombreuses publications, telles celles de Gonzales Ramos en 20124 et de Matsuzaki en 2010, ont mis en évidence que l’endométriose est une maladie inflammatoire auto-entretenue qui se manifeste par des poussées soumises à des stress aigus et chroniques. Le rôle de l’environnement est également déterminant dans l’apparition et l’augmentation du nombre de cas.
L’environnement est à la source de bien des modifications5 :
>> Les phtalates, le bisphénol A et la dioxine ont une structure biochimique proche de celle des estrogènes et, en les mimant, ils activent la maladie. Ces substances exercent aussi une action sur les cycles menstruels et probablement sur les kystes ovariens. En effet, l’action des facteurs environnementaux pourrait être médiée par une modulation épigénétique de l’expression de certains gènes subissant une méthylation de l’ADN et aboutissant à une surproduction d’œstrogènes.
Les patientes atteintes d’endométriose évoluent généralement dans un environnement délétère, à savoir dans des mégapoles et des pays industrialisés où les perturbateurs endocriniens sont très présents.
>> L’étude des facteurs alimentaires nutritionnels fait apparaître une augmentation des estrogènes dans la charcuterie et les viandes rouges. Les perturbateurs endocriniens et la recherche d’anomalies épigénétiques sont très étudiés actuellement. En 2018, l’Inserm a, par exemple, montré que l’exposition prénatale de la souris au bisphénol A favorisait une pathologie ressemblant à l’endométriose.
Des preuves existent de la régulation génétique et épigénétique de la maladie. La place longtemps exclusive de la génétique est en effet aujourd’hui partagée avec l’épigénétique en voyant les gènes s’adapter à de nouvelles situations.
Notre mode de vie, notre histoire personnelle, notre sentiment de bien-être ou de mal-être au travail, tout comme l’air que nous respirons interfèrent avec notre bagage génétique, celui-là même que nous transmettons. En 2018, dans son livre La révolution épigénétique, Joël de Rosnay montrait comment notre comportement agit sur nos gènes.
Pour rappel, la génétique est l’étude des gènes et de leur rôle, l’épigénétique s’intéresse quant à elle à la façon dont ces gènes sont utilisés (ou pas) par une cellule. En un mot, le bagage génétique est le même mais pas la fonction. Les histones sont des protéines autour desquelles s’enroule l’ADN pour former la structure de base de la chromatine. C’est le processus de méthylation qui va permettre soit de conserver des gènes, soit de les inhiber. L’épigénétique est le système régulateur fondamental.
Le rôle du stress oxydatif
Dans le cas d’une endométriose sévère et profonde, plusieurs études montrent une augmentation du stress oxydant majeur dans le liquide péritonéal des patientes6. À noter que si on bloque ce stress oxydatif, on empêche la prolifération des cellules endométriales.
Des liens entre inflammation locale et stress oxydant ainsi qu’entre augmentation de la prolifération des cellules malades et stress oxydant ont également été mis en évidence.
Le stress oxydant apparaît lié au phénotype plus ou moins agressif de la maladie, en particulier dans l’endométriose profonde, et semble être un facteur d’inflammation. Le stress oxydant est une nouvelle cible thérapeutique tout comme la réduction du stress psychosocial. Les cellules endométriales ectopiques et malades contiennent des protéines oxydées, signes de stress majeur (ce qui est intéressant pour un traitement). Des travaux ont évalué les effets des antioxydants pour diminuer la maladie. Dans des modèles murins, on observe moins d’implants et d’inflammation sous l’effet des antioxydants7.
De quels moyens dispose-t-on pour étudier le stress oxydant ?
On peut évaluer le stress oxydant en mesurant au cours d’un bilan sanguin à jeun :
- Le MDA, marqueur de l’oxydation des lipides (acides gras poly-insaturés) qui mesure l’athérome vasculaire ;
- Les protéines thiols : seuls des taux bas ont une signification concernant le stress oxydant ;
- Le glutathion peroxydase (GPx), le glutathion oxydé, le glutathion réduit, le glutathion, le zinc, le cuivre, éventuellement le sélénium, le bêtacarotène, la superoxydase dismutase (SOD).
Plus la maladie est sévère, plus le niveau de stress oxydant est élevé chez la patiente.
Comment lutter contre le stress oxydatif ?
Voici les aliments à privilégier pour lutter contre le stress oxydatif :
- Aliments riches en vitamine C, E et A ;
- Fruits rouges, prunes rouges, myrtilles, framboises, fraises, baies de goji bio, canneberge, grenade, figues, pommes mûres ;
- Légumes verts (brocolis, épinards, cœurs d’artichaut), haricots rouges, fruits à coque, noisettes, pistaches, noix de pécan, amandes ;
- Polyphénols, vin rouge, chocolat, thé vert, café, origan ;
- Ne pas oublier les oméga-3 au coucher, utiles pour lutter contre l’inflammation, pour préserver les artères et la cognition (surtout en cas d’athérome dans les grandes artères).
Une activité sportive modérée mais constante doit être privilégiée, en sachant toutefois qu’une pratique sportive trop intense favorise la production de stress oxydatif.
Comment rééquilibrer le corps et lutter contre l’inflammation ?
Tout d’abord, il est essentiel de pratiquer un rééquilibrage alimentaire. Il faut éviter les aliments acides, le pain blanc, le gluten, le soja, l’excès de viandes rouges, le lait de vache, les grosses salades, le sucre. La correction de l’acidité des légumineuses, du vin blanc, avec des sels minéraux alcalins, est une priorité. Les graisses animales cuites sont à bannir.
Un traitement à base de plantes, de fruits, d’oligoéléments, de vitamines naturelles et de probiotiques peut être mis en place. On peut dès lors recourir aux compléments alimentaires et à la micronutrition.
Voici un exemple de complémentation pour traiter le stress oxydatif :
- Polyphénols : resvératrol (fruits rouges, vin rouge de façon modérée), quercétine pour remonter le taux de glutathion ;
- N-acétyl-cystéine (NAC), précurseur du glutathion ;
- GSH glutathion sublingual (en effet, seul le corps fabrique le glutathion mais il faut “l’aider” selon les dosages, durant 6 mois, et contrôler régulièrement) ;
- Vitamines E, A, C (complémentation selon dosage) ;
- Le zinc doit être pris pendant au moins 6 mois (15 mg/j) ;
- L’ajout de vitamines B9 et B12, non chimiques et contrôlées avant le bilan ;
- Oméga-3 à raison de 2 le soir (en cas de signes de grande fatigue, ajouter coenzyme Q10, 2 gélules pendant 3 mois au moins) ;
- Associer du thé vert, qui est très antioxydant, pour les jeunes femmes qui souffrent avec, dès le début, la curcumine.
Il est important de privilégier un bon sommeil et de veiller à réduire l’anxiété. Les effets sont rapides sur les douleurs et l’énergie.
La micronutrition, une source d’équilibre et de santé
Il s’agit d’une discipline scientifique qui a pour objectif d’analyser les déséquilibres alimentaires et les déficits en micronutriments. On attend de la micronutrition une relance métabolique pour rétablir l’équilibre et participer au bien-être et à la santé globale.
Intérêt de la micronutrition dans l’endométriose
Cette maladie si douloureuse incite à tenter de modifier les traitements classiques tels les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les dérivés morphiniques, les progestatifs (qui peuvent être à l’origine d’effets indésirables inquiétants, notamment de méningiomes) qui s’accompagnent de nombreux effets indésirables.
Lorsque la maladie est sévère, il est difficile d’arrêter rapidement les douleurs et les saignements. On peut proposer de la bromélaïne contenue dans la tige de l’ananas, le cassis, le framboisier en TM ou macérat pour leurs vertus anti-inflammatoires. Également, les composés minéraux alcalins retirant l’acidité de certains aliments, les antioxydants, la curcumine et les oméga-3 très anti-inflammatoires. Certains produits de phytothérapie (rhodiola, passiflore, aubépine, valériane) permettent d’apaiser l’anxiété, généralement importante, et les troubles du sommeil.
Associés à du magnésium (un oligoélément aux propriétés sédatives) et à du safran, ils permettent d’améliorer la plupart des symptômes. Leur coût reste cependant un inconvénient. On peut leur préférer un complexe apaisant pour réduire l’anxiété. L’homéopathie est très efficace dans cette indication pour un coût modeste. On peut apporter des antalgiques naturels, tels que le Pycnogénol® (écorce de pin maritime) et le PEA (palmitoyléthanolamide).
Dans un contexte d’endométriose, il est très important de vérifier l’état immunitaire de la patiente et de rechercher l’existence d’une grande fatigue. Il ne faut pas hésiter à proposer des produits naturels connus pour consolider l’immunité : huile de foie de requin, propolis, vitamine D, gelée royale, papaye fermentée, échinacée. Il est parfois indispensable de pratiquer une “détox” après 5 ans de prise de progestatifs, de fréquentes nausées, de prise de poids modérée. Des plantes biologiques à l’état pur sont alors souvent proposées : desmodium, Chrysantellum, thym, romarin mais aussi curcuma.
Les apports alimentaires sont souvent faibles chez ces patientes, notamment viandes rouges et abats, si bien que les carences sont très importantes lors d’anémie. Il faut surveiller car un taux bas de vitamines B9 et B12 est responsable de fatigue et de pathologies à distance.
Le recours aux produits naturels est observé car, en pharmacopée classique, les vitamines doivent être phosphorées pour être actives.
Points forts :
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Les laboratoires de micronutrition privés
Ils ont pour la plupart entre 10 et 25 ans d’existence, d’expérience et de recherche. Ces laboratoires […] ont proposé en 2018 un complément alimentaire naturel à base de plantes :
ENDOMENAT® (Laboratoires COPMED), de grande efficacité, antioxydant puissant, antalgique, régulateur du cycle (Pycnogénol®, thé vert, réglisse, myrobolan chébule, gattilier, achillée millefeuille, vitamines, minéraux) est très apprécié (4 gélules par jour en continu).
Avec les compléments naturels, dès le 3e mois, les douleurs, la digestion, les métrorragies s’endorment. La forme sévère, en revanche, relève de thérapeutiques plus lourdes et chimiques.
La micronutrition proposée va agir sur le stress, le sommeil et l’inflammation (avec curcumine à forte dose, oméga-3) et les douleurs. La recherche est encore assez délaissée, et ce depuis très longtemps, il faut espérer que les travaux mis en place en 2019 par Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, auprès de l’Inserm apporteront vite des solutions. Pour finir, il est important que la patiente se prenne également en charge elle-même afin de devenir son propre soignant, en s’accordant beaucoup d’attentions et de soins.
Nous remercions le Dr Richard NIDDAM.
Article extrait de la revue “Réalités en Gynécologie-Obstétrique”, 2020 ; 202 : 8-11.
BIBLIOGRAPHIE :
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