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Interview du Dr FRANCK GIGON – Une alimentation naturelle antitoxique

Interview du Dr Franck Gigon

Jade Perraud : Bonjour Docteur GIGON, pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?

Franck Gigon. Bien sûr. Bien que Parisien de naissance, je me considère comme un enfant des montagnes puisque j’ai eu l’extraordinaire chance de vivre ma jeunesse jusqu’à la majorité dans le magnifique pays du Mont-Blanc en Haute-Savoie. Résidant dans un tout petit village surplombant la vallée de l’Arve, j’ai pu jouir d’une enfance heureuse en contact permanent avec la faune et la flore alpines, entre grimpettes, activités hivernales, forêts et ruisseaux. Ma curiosité pour le règne végétal est certainement apparue à ce moment-là et n’a cessé de grandir depuis.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel et de vos différentes spécialisations ? Comment avez-vous découvert l’univers de la phytothérapie et de la micronutrition ?

Plus j’avançais dans mes études de médecine et plus je prenais conscience que je ne voulais pas m’enfermer dans une seule spécialité en particulier. L’idée de restreindre mon champ d’action en tant que futur médecin à une seule discipline ne me correspondait déjà pas.

Il me restait donc à choisir en fin de cursus entre la voie prestigieuse de la médecine interne et celle de l’humble médecine générale. Mon goût immodéré pour le ski et les sorties avec les copains ont eu raison de ma détermination à repasser un autre concours, m’entraînant, non pas sans plaisir, vers la seconde option. Ensuite, pour sortir des sentiers battus avec un petit groupe d’amis étudiants en médecine, je me suis formé à l’acupuncture, puis à l’ostéopathie. Lors de mes premiers remplacements en médecine générale, mon attirance pour les plantes s’est enfin concrétisée par une formation au diplôme de phyto-aromathérapie.

Compléments alimentaires naturelsLà, j’ai eu l’opportunité de devenir rapidement chargé d’enseignement pendant une douzaine d’années grâce au Dr Bérengère Arnal, gynécologue phytothérapeute, directrice de l’enseignement. Alors, un peu comme Obélix qui tombe dans la marmite de potion magique, la découverte du monde des plantes médicinales a été une révélation déterminante pour moi avec une question obsédante qui revenait sans cesse : pourquoi les plantes médicinales avaient déserté nos prescriptions et avaient été supplantées totalement par les médicaments ? Un peu plus tard, comme les principes actifs végétaux se retrouvaient aussi dans nos assiettes, c’est tout naturellement que j’ai versé dans l’univers de la micronutrition. Cette spécialité en diplôme interuniversitaire se distingue particulièrement de la nutrition conventionnelle, en l’englobant et la dépassant même par sa vision préventive fondée sur l’importance vitale des minéraux, des vitamines, des actifs végétaux, du microbiote intestinal… Autant de domaines fondamentaux pour la santé qui ne sont abordés qu’à la marge par la médecine officielle curative, basée uniquement sur le recours au médicament et à la chirurgie, et ce, malgré une abondante littérature scientifique publiée sur ces sujets.

Chemin faisant, je me suis ouvert et formé ensuite avec grand intérêt aux méthodes qualifiées de “Corps-Esprit” comme la visualisation et la méditation ainsi qu’aux principes de l’Énergie chère aux traditions millénaires Indo-Asiatiques et aux Russes qui étudient pourtant cela depuis plusieurs décennies sous la terminologie de thérapie quantique. Récemment, j’ai même fait l’acquisition d’une lampe hypnagogique pour explorer les états modifiés de conscience. En bref, vous l’avez sans doute compris, je reste un éternel étudiant curieux et ouvert aux différentes possibilités existantes de soins et de bien-être, soucieux d’offrir ce que je pense être le meilleur et le moins nocif pour mes patients. J’essaie d’ailleurs de garder toujours en tête le principe d’Hippocrate “Primum non nocere” signifiant littéralement “En premier ne pas nuire”. Avec le recul, je suis définitivement convaincu que la santé ne peut s’envisager sans le “bien-être”, notion pour l’instant toujours exclue comme but dans la médecine conventionnelle… Et que ce bien-être passe par un équilibre à la fois physique, psychique, social, énergétique et même spirituel !

Vous avez consacré un livre à la méthode Flexitarienne. Pouvez-vous nous en parler ?

Prendre soin de soi grâce à son alimentation : les conseils du Dr GigonJ’ai découvert qu’écrire des livres pour le grand public et dispenser un enseignement donnent une grande responsabilité… Celle d’aller vérifier et de réactualiser au mieux ses sources et ses connaissances par honnêteté intellectuelle. Et en 2012, en relisant de nombreuses publications internationales scientifiques sur les rapports entre l’alimentation et la santé, je m’étonnais que les spécialistes en nutrition et les instances sanitaires, particulièrement en France, ne parlassent jamais des avantages et des bienfaits sur la santé d’une alimentation végétarienne ou peu carnée. Même le régime méditerranéen, qui était pourtant déjà supporté par une littérature consistante, ne semblait pas trouver grâce aux yeux des officiels avec finalement très peu de recommandations pour le public sur ses effets pourtant très protecteurs. Pire même, pour la plupart des nutritionnistes de cette époque pas si lointaine, le végétarien apparaissait comme une personne aux pratiques sectaires, forcément sous-alimentée, exposant son corps et parfois ses propres enfants aux pires carences. J’ai même vu des nutritionnistes lancer des mesures de signalement à l’encontre de parents végétariens pourtant très responsables.

De là naquit l’idée de l’ouvrage sur le flexitarisme (cf. La Méthode Flexitarienne) afin de pouvoir conseiller le public pas à pas. Non pas pour un végétarisme strict, mais plutôt partiel, d’instauration progressive pour ceux qui le souhaitent grâce à un support scientifique vulgarisé et à des recettes végétariennes mises au point par un diététicien renommé. Rappelons que le mot flexitarisme est un anglicisme, pas très joli d’ailleurs, signifiant un mode alimentaire où les produits d’origine animale sont réduits à une portion congrue dans l’alimentation. J’aime à rappeler que c’est comme cela que se sustentait déjà l’humanité depuis le néolithique jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Il y a peu encore, les parents de nos parents ne mangeaient de la viande qu’une seule fois par semaine, seulement le week-end et pendant certaines fêtes. Mais, la révolution agroalimentaire est passée par là, nous entraînant depuis soixante ans dans une surconsommation de viande et de produits animaux divers aux conséquences non négligeables sur la santé et la planète. Car, comme expliqué dans ce livre, et bien d’autres parus depuis, continuer à manger des produits animaux 2 à 3 fois par jour, participe à la fois à la réduction de l’espérance de vie en bonne santé, mais aussi à la souffrance animale des filières de production intensive, tout en sacrifiant les ressources primaires de la vie (terre, eau et air) par l’intense pollution résultante. Il ne vous aura pas échappé que les mentalités ont fort heureusement évolué depuis par l’apparition progressive d’une prise de conscience du public à la fois sanitaire, écologique et sur la condition animale. Il existe maintenant d’ailleurs de plus en plus de restaurants nous proposant des menus végétariens et des supermarchés vendant des plats préparés sans produits animaux. Au grand dam des industriels de la viande, la consommation de viande a même chuté en France de 12 % en une dizaine d’années : le grand public a donc bien pris connaissance des enjeux et les liens parfaitement établis entre consommation excessive de viandes et maladies, déforestation, production de gaz à effets de serre et surutilisation des pesticides. Nos décideurs politiques successifs, malgré la connaissance parfaite de cet état des lieux inquiétant, restent toujours à la remorque des puissants lobbies de l’industrie en n’ayant toujours pas lancé de réformes significatives sur tous ces sujets majeurs de santé publique.

Vous prônez une alimentation naturelle et antitoxique. Comment peut-on y arriver aujourd’hui, en dépit de la dégradation de l’alimentation occidentale ?

Il faut bien préciser qu’il est impossible en 2020 d’éviter les toxiques et les polluants de nous atteindre. Rappelons les résultats de cette effarante étude de 2018 qui montre que les cordons ombilicaux des enfants venant de naître, renferment déjà une centaine de produits chimiques. Beaucoup de ces molécules sont des perturbateurs endocriniens avec une action reconnue sur le système hormonal : la science a désormais démontré leur responsabilité dans l’augmentation de l’obésité infantile et chez l’adulte, de la puberté précoce chez des enfants, de l’augmentation massive des maladies neuro-développementales (avec une baisse de QI) ainsi que malheureusement de malformation génitale et des cancers du système reproducteur. On ne peut évidemment pas reprocher au bébé d’avoir eu un mode de vie déséquilibré ou risqué, mais c’est juste pour faire comprendre que tout le monde, et dès le plus jeune âge, ne peut plus échapper à la toxicité environnementale. Et là, nous ne parlons que des perturbateurs endocriniens, la liste des molécules de synthèse venant bouleverser notre biologie est vertigineuse. Rajoutons à cela, le fameux “effet cocktail” peu pris en compte dans les expertises et qui correspond à la toxicité cumulative et synergique des polluants entre eux.

Autant donc, il est irréalisable de ne plus être exposé aux toxiques créés par l’activité humaine, autant il est possible d’en diminuer considérablement la “charge toxique” par des choix éclairés. Car vivre est toujours une question de choix. Une fois que vous avez reçu une information importante pour préserver votre Santé et votre Bien-être, vous pouvez soit la mettre de côté, soit la prendre en considération, ou mieux la mettre en application.
Il y a encore quelques dizaines d’années, on ne savait pas que mettre la ceinture de sécurité dans la voiture sauvait des vies, maintenant c’est reconnu et même obligatoire depuis 1973. L’état des connaissances des effets de l’environnement sur nos organismes a beaucoup progressé ces 20 dernières années, et nul maintenant ne peut les ignorer à moins d’être dans le déni. Les publications s’accumulent et confirment notamment l’impact négatif de la pollution de l’air, de l’eau et des aliments sur la santé humaine, animale et même végétale.

En ce qui concerne l’alimentation, les produits industriels en particulier subissent de multiples transformations (haute cuisson, raffinage, ionisation…) et contiennent des substances (additifs, polluants, pesticides, sucre et sel ajoutés, graisses transformées…) qui sont impliquées dans beaucoup de maladies de civilisations avec le manque d’exercice physique et le stress chronique psychique. Les “trente glorieuses” ont été aussi les “trente plus pollueuses” avec aucun questionnement à l’époque sur la toxicité, car rien ne pouvait (ne devait) entraver la bonne marche du progrès.

Opter pour une alimentation qualitative et protectrice nécessite de procéder à des ajustements de nos modes de vie. Cela représente une étape très importante du processus de diminution de charge toxique. En tant que consommateurs-acteurs, certains disent “consommacteurs”, nous pouvons déjà exercer certains choix judicieux pour réduire énormément la part des aliments industriels en faisant nos courses différemment.

Pouvez-vous donner quelques conseils à nos lecteurs pour réduire la charge toxique au quotidien ?

Pour être juste, je rappelle qu’il existe quand même des produits industriels très qualitatifs et des enseignes proposant d’excellents produits locaux peu ou pas transformés en provenance de circuits courts… À nous donc de les identifier pour en profiter. En gardant cette notion à l’esprit, je recommande cela étant de faire son marché plutôt que son supermarché. Cela introduit une notion de temps, car dans les familles ce temps est toujours compté, et on comprend naturellement que la facilité et la praticité l’emportent pour céder aux plats prêts à l’emploi. Mais, pour retrouver des repas de qualité réalisés avec des aliments sains, il nous faut aussi retourner aux fourneaux et faire nos courses dans des filières les moins productivistes. À ce propos, on peut vraiment se féliciter de l’explosion d’émissions télévisuelles sur la cuisine ces dernières années et de l’engouement qu’elles suscitent auprès du public, car elles incitent à l’usage d’aliments qualitatifs à forte palatabilité, pas ou peu déstructurés avec un nécessaire retour au “fait-maison”.

Une astuce à laquelle on ne pense pas forcément est la congélation. On peut en effet profiter du week-end pour préparer un plat pour 8-10 personnes que l’on partitionne en parts pour une à deux personnes. Ensuite, on étiquette les barquettes avec la date, le nom du plat et après quelques week-ends, le congélateur devient une source de bons produits “fait-maison” à préparation immédiate (au bain-marie si possible plutôt que le micro-ondes), car la congélation affecte très peu la qualité alimentaire.

Le choix d’une alimentation “bio” reste très débattu, mais pour résumer, il est à mon sens très pertinent de privilégier les filières de circuits courts plus écoresponsables ou “bio” d’origine française, dont les produits ne contiendront qu’une “charge toxique” très faible sans aucune commune mesure avec les produits issus de filières conventionnelles. Par conventionnel, il faut entendre “pesticides et intrants” pour les légumes et les fruits, végétaux qui auront de surcroît rarement atteint leur maturité de culture, donc extrêmement pauvres en micronutriments (vitamines, oligoéléments…), polyphénols et caroténoïdes. C’est assurément s’infliger la triple peine que de continuer à manger ce type d’aliments “pesticidés”, à calories vides et sans saveur !

Une notion capitale qu’il convient d’apporter, est que contrairement au principe de Paracelse inculqué encore aujourd’hui aux étudiants pharmaciens et médecins précisant que “C’est la dose qui fait le poison”, les pesticides ont montré qu’ils pouvaient même à très faibles doses, déréguler notre métabolisme cellulaire : ils sont particulièrement toxiques pour les organes de la reproduction et le système nerveux. Des associations et des sociétés savantes remettent d’ailleurs en cause le mode de calcul des doses journalières admissibles (DJA) des pesticides, qui sont la norme pour la consommation des fruits et des légumes, au motif qu’il existe une sous-évaluation des risques réels encourus par la population continuant à les ingérer. Il n’est bien sûr pas question d’instaurer ici une opposition manichéenne entre les méchantes molécules de synthèse et les gentilles molécules naturelles. D’abord parce que le “Naturel” n’est évidemment pas sans danger, les accidents de toxicité par les plantes existent bel et bien, et ensuite parce que nos cellules possèdent heureusement une capacité de détoxication importante des xénomolécules, c’est-à-dire étrangères à l’organisme et en général conçues par l’homme.

Les instances sanitaires demandent aux toxicologues d’émettre des recommandations générales de santé publique qui deviennent des normes pour la population générale, et c’est bien normal, car ils ne peuvent tout simplement pas faire autrement. Mais, on comprend que ces normes ne peuvent pas tenir compte des spécificités biologiques de chaque individu (âge, poids, hérédité, maladie en cours, fragilité d’un organe… etc.), ni même de leur environnement personnel. Autant de situations qui nous rendent inégaux devant les toxiques environnementaux. En attendant qu’une éco-médecine soit enseignée et exercée, discipline considérant réellement à la fois les paramètres individuels et de l’écosystème dans lequel il vit, il nous appartient à titre personnel de prendre en considération les sources des toxiques et de nous en protéger au mieux.

Un mot sur l’hydratation : pour l’eau de réseau, à moins d’avoir la chance d’un accès à une source directe de montagne, de volcan ou de Causses, je recommande en général pour les urbains l’usage d’un filtre par osmose inversée à placer à la sortie du robinet, solution économique, écologique et plus saine que les eaux embouteillées. Cette méthode permet d’éliminer jusqu’à 99 % des polluants de l’eau. Pour les eaux en bouteille, on peut aussi appeler de tous nos vœux le retour au contenant en verre consigné, qui a l’avantage de ne pas présenter les problématiques de l’emballage plastique tant sur le plan sanitaire qu’écologique… et qui de surcroît peut être générateur d’emplois de service de proximité.

Le sujet le plus sensible reste la pollution de l’air représentant le principal risque environnemental pour la santé, puisque l’OMS a estimé qu’elle était responsable du décès prématuré de 6,5 millions de personnes chaque année dans le monde ! Le trafic routier, le chauffage, l’industrie et l’agriculture sont principalement pointés du doigt pour les émissions des polluants aériens. L’air ne connaissant pas les frontières, il est urgent d’adopter des mesures au niveau européen et mondial pour réaliser une véritable transition écologique efficace. En attendant, à l’échelle individuelle, seul le déménagement dans une région moins polluée s’avère utile, et si on ne peut le réaliser pour des raisons respectables, il est important de diminuer la charge toxique de l’air ambiant par le port de masques filtrants quand l’air semble chargé et particulièrement pendant les pics de pollution… et d’aérer plusieurs fois par jour son habitation, car la pollution intérieure est supérieure à la pollution aérienne extérieure. Rappelons qu’un humain filtre quotidiennement avec ses poumons entre 10 000 et 20 000 litres d’air.

Vous avez longuement étudié les maladies de civilisation et leurs causes. Pouvez-vous nous en parler ? Quelles solution(s) naturelle(s) préconisez-vous ?

Nous sommes beaucoup de scientifiques à nous interroger sur un paradoxe touchant préférentiellement nos sociétés modernes : Celui de constater que les pays développés bénéficiant d’un haut niveau de médecine et de progrès technologique sont aussi ceux frappés par une véritable épidémie de maladies dites de civilisations. Comme leur nom l’indique, les maladies de civilisation touchent les pays modernes et industrialisés avec une prévalence importante. Elles comprennent les pathologies cardio-vasculaires, la maladie cancéreuse, la maladie diabétique, les maladies neurodégénératives et les maladies auto-immunes pour les plus connues. D’aucuns diront que l’augmentation de l’espérance de vie et les avancées sur le diagnostic expliquent aisément ces constatations dans les pays développés… mais les conclusions tiennent déjà compte de ces biais classiques d’une part, et d’autre part, on remarque que la pédiatrie est aussi malheureusement très concernée par ces maladies. La mortalité se trouve sans aucun doute réduite dans chaque spécialité grâce à une médecine performante, mais la morbidité (la maladie) explose avec un coût humain important en termes de souffrance. Le mythe de l’augmentation de l’espérance de vie en bonne santé dans nos contrées se trouve maintenant écorné avec un plafonnement observé en Europe ces dernières années à cause de l’accroissement du nombre de patients dépendants, mais également à cause d’un début d’inversion de la courbe de longévité concernant la population nord-américaine.

C’est donc bien notre mode de vie dit “à l’Occidental” qui favorise grandement la genèse, la pérennisation et la flambée de ces pathologies frappant les sociétés modernes. Ce qui est beaucoup plus étonnant, voire inquiétant, c’est que notre médecine de haut niveau s’attelle à les traiter à grand renfort de molécules de synthèse et de chirurgie… et non pas à les prévenir. En termes économiques, il faut savoir que pourtant 10 % du PIB des pays de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) est consacré aux dépenses de santé ! Je pense que le constat du Dalaï-Lama prend ici tout son sens quand il dit :
“Ce qui me surprend le plus chez l’homme occidental, c’est qu’il perd la santé pour gagner de l’argent, et il perd ensuite son argent pour gagner la santé”.

En fait, il apparaît maintenant très clairement que la dimension écologique et préventive manque cruellement à notre médecine moderne. Pour être complet, il lui manque sans nul doute aussi une vision globale physico-énergétique et spirituelle de la santé, même si c’est un autre débat.

Pour rester dans la science pure et dure, une revue de bibliographie sur les mécanismes biologiques qui sous-tendent toutes les maladies de civilisations fait apparaître clairement 4 processus pathologiques au moins, associés et impliqués systématiquement au niveau cellulaire : ce sont le stress oxydant (la rouille cellulaire), l’inflammation chronique, la glycation (la liaison fatale d’une protéine avec un sucre) et l’intoxication cellulaire. Ces processus de détérioration se potentialisent entre eux au niveau de la cellule et s’expliquent par l’action des polluants, de la malbouffe, du stress psychique chronique, de la sédentarité et de l’excès alimentaire de sucre et de sel, des processus de transformation alimentaire… liste non exhaustive de situations répétitives caractéristiques de nos sociétés.

En plus du nécessaire changement de mode de vie, il existe effectivement des solutions “naturelles” pour maîtriser les processus délétères menant aux maladies de civilisations : avec l’aide d’un thérapeute rompu à ces domaines, il est notamment possible de bénéficier d’une alimentation optimisée, de micronutriments et de substances végétales alimentaires ou médicinales, qui sont autant de principes non médicamenteux soutenus maintenant par une solide bibliographie.

En 2019, vous avez publié aux éditions Opportun “Stupéfiant ! Le chanvre va-t-il sauver le monde ?”. Le chanvre et le cannabis sont-ils issus d’une même plante ? Est-elle une plante d’avenir en phytothérapie ?

Le chanvre et le cannabis sont exactement la même plante désignée Cannabis sativa selon la nomenclature internationale botanique. Cette plante a accompagné l’homme depuis la nuit des temps dans toutes les civilisations pour l’élaboration de tissus, de cordages, de voilures, d’éléments de construction, mais également comme denrée alimentaire pour les animaux et les humains. Au fil des siècles, le chanvre a fait l’objet de multiples croisements afin d’obtenir des cultivars dédiés à des utilisations médicinales, religieuses et festives : cette variété de chanvre est communément appelée cannabis ou marijuana avec des effets psychiques et biologiques recherchés par ses utilisateurs. Actuellement, on distingue donc le chanvre dit “industriel”, utilisé pour ses fibres, ses graines, sa cellulose et dont la culture est autorisée sous de strictes conditions, et le chanvre “psychotrope” (qui agit sur le cerveau), ou cannabis, totalement illégal en France quant à sa production, sa commercialisation et sa consommation, car catégorisé comme stupéfiant.

Le chanvre est depuis quelques années de nouveau sur le devant de la scène internationale du fait de la libéralisation de son utilisation festive et thérapeutique dans de nombreux pays, dont étonnamment les États-Unis, initiateurs de son interdiction entérinée par l’ONU en 1961. À la lumière de nouvelles découvertes scientifiques à son sujet, de nombreuses et fantastiques possibilités sont offertes par cette plante hors du commun. Depuis la découverte dans les années 70 de substances dites cannabinoïdes dans le chanvre, de récentes études s’accumulent et confirment les effets positifs du THC (tétrahydrocannabinol) sur la santé, la fameuse substance “planante”, pour des indications précises et encadrées (sans la fumer). De plus, le cannabidiol ou CBD, extraite aussi du chanvre, représente la nouvelle molécule très prometteuse par ses multiples actions biologiques démontrées… sans altérer le psychisme.

Le CBD est actif sur les douleurs et les inflammations chroniques et serait intéressant pour limiter ou arrêter les antalgiques et les anti-inflammatoires conventionnels. Le CBD exerce aussi de puissantes activités anticancéreuses, protège le cerveau et le système immunitaire. Des travaux convergent pour conseiller son emploi dans les formes sévères et résistantes d’épilepsie de l’enfant. D’autres expérimentations suggèrent l’emploi du CBD comme traitement complémentaire de la maladie psychotique, de la maladie d’Alzheimer, de la dépression sévère et dans les troubles du tonus musculaire de la maladie de Parkinson.

En pratique, des patients m’ont rapporté que le CBD, avec quelques gouttes sous la langue, pouvait améliorer rapidement leurs troubles du sommeil, et plus surprenant, il permettait une véritable aide au sevrage tabagique et au cannabis fumé. Certains en prenaient simplement pour se relaxer connaissant ses effets sur l’anxiété, sans modifier leur conscience ni leur vigilance. Je pense que les nombreux cannabinoïdes contenus dans le chanvre, dont le THC, le CBD et bien d’autres n’ont pas révélé encore tous leurs potentiels sur la santé humaine.

Nous hébergeons tous dans beaucoup d’organes de notre corps une multitude de récepteurs aux substances cannabinoïdes, qu’elles soient d’origine interne fabriquées par notre biologie ou d’origine externe végétale extraites du chanvre.

Ces récepteurs se retrouvent préférentiellement dans les systèmes nerveux, immunitaire et digestif : ce système endo-cannabinoïde (endo = interne), comme on l’appelle, est un système complexe et fondamental pour l’équilibre cellulaire du milieu interne qui reste assez peu connu des médecins et des thérapeutes. Les dernières recherches montrent que le système endo-cannabinoïde peut être impacté par de nombreux facteurs environnementaux comme le mode de vie dont l’alimentation, et qu’il est en relation avec notre microbiote intestinal.

Nous espérons qu’en France la situation légale des cannabinoïdes de chanvre évolue favorablement et rapidement vers une habilitation administrative encadrée sur le plan sanitaire, comme cela existe déjà dans de nombreux pays européens et même en Suisse ! Sous la pression d’associations et de groupes de médecins experts, une étude de faisabilité sur le THC vient d’être enfin autorisée en France, mais des freins idéologiques mercantiles et politiques ralentissent la fin de son interdiction pour son usage thérapeutique.

On comprend d’autant moins que le CBD, molécule non stupéfiante, sans effet délétère sur le psychisme, ni effet addictif ni toxicité, ne soit pas plus pris en considération par les scientifiques français eu égard à ses multiples activités biologiques positives.

On peut trouver néanmoins le CBD en France en gouttes sublinguales d’extrait alcoolique ou huileux et en E-liquide pour vapotage, malgré un statut juridique flou, où il n’est pas interdit ni tout à fait autorisé. Son emploi nécessitera bien entendu de principe au préalable l’avis d’un professionnel de santé.

Que vous inspire la crise sanitaire liée au COVID-19 ?

Je suis assez en résonance avec l’hypothèse “Gaïa” qui est une théorie avancée en 1970 par le climatologue anglais James Lovelock et sa compagne, la microbiologiste américaine Lynn Margulis. Ils ont avancé que la Terre serait “un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d’années en harmonie avec la vie”. Un peu comme si la Terre est un super organisme hébergeant d’autres écosystèmes. Considérons maintenant une autre hypothèse moins audacieuse, appelée “l’anthropocène”, de plus en plus acceptée par les scientifiques : celle de penser que la dernière ère géologique en cours est une “ère humaine”, car l’empreinte des activités humaines est telle qu’elle modifie le climat, la biodiversité et les ressources de la Terre. Il n’aura également échappé à personne que le nombre d’habitants sur la planète ne cesse de croître au point que “l’écosystème humain” risque d’atteindre les presque 10 milliards d’individus en 2050. En 2020, une frange de cette humanité dépense en ressources à la moitié de l’été, la totalité de ce que la Terre est capable de produire et de renouveler ! À ce rythme, l’humanité a déjà besoin de 1,5 planète pour subvenir à ses besoins.

Le rapport avec le coronavirus est que, quelle que soit son origine (zoonose par contact avec des réservoirs animaux ou manipulation génétique), on pourrait penser que le super organisme Terre opère de temps en temps une forme de régulation d’une espèce vivante exubérante, une sorte de catharsis pour un retour à un équilibre. Autrement dit, peut-être que notre expansionnisme humain sans borne (et le mythe de la sacro-sainte croissance éternelle) vient de se prendre un nouveau retour de bâton. Nouveau, car, pour mémoire, l’homme a déjà vécu d’autres pandémies comme, la grippe asiatique dans les années 50 et la grippe de Hong Kong dans les années 60, qui ont fait chacune 1 million de morts ! On sait aussi que le réchauffement climatique fera malheureusement beaucoup plus de victimes que n’en fera l’épidémie du COVID-19.

Ce qui change par rapport aux crises passées, c’est que le traitement de l’information par les médias sur le COVID-19 est à notre époque terriblement outrancier, contradictoire et anxiogène. La paralysie mondiale du travail (volontaire), la désorganisation apparente de la gestion de crise et le confinement durable ajoutent à cette atmosphère de fin du monde. L’avenir nous dira si la sagesse triomphera de nos erreurs passées. En attendant, et je dirais même comme d’habitude, l’homme peut compter sur les plantes et les micronutriments pour se refaire une Santé. Je pense particulièrement aux recherches sur les vitamines C et D, le zinc, sur l’armoise annuelle et sur l’aromathérapie anti-infectieuse, qui sont très prometteuses sur les virus épidémiques, et à celles sur le CBD pour gérer les troubles de l’humeur et le stress liés au confinement.

Pour finir, si vous deviez choisir 3 plantes parmi la phytothérapie, lesquelles retiendriez-vous ?

Je les aime toutes, mais si je dois choisir, je dirai d’abord le romarin que je prends souvent en infusion de sommités fleuries de qualité “bio” le matin, par goût, mais également pour ses vertus tonifiantes, protectrices et antioxydantes. J’ai un grand faible également pour toutes les plantes aromatiques que l’on trouve pour une grande part facilement en France et qui exercent diverses propriétés très utiles, notamment sous leur forme d’huile essentielle. Le chardon-Marie a aussi toute ma sympathie par son pouvoir de protection et de désintoxication notamment vis-à-vis du foie. Pour finir, je fais le pari d’un grand avenir des extraits de cannabinoïdes de chanvre pour soulager et peut-être même guérir un bon nombre de nos maux de civilisations.

Merci Dr Franck Gigon.

En savoir plus grâce aux ouvrages de Dr Gigon :

Les ouvrages du Dr Gigon

“La méthode Flexitarienne” éditions First (E-Book uniquement)
“Stupéfiant ! Le chanvre va-t-il sauver le monde ?” éditions de l’Opportun
“Les secrets des 50 plantes efficaces pour me soigner” éditions de l’Opportun !