Bonjour Docteur Monnami, pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Je m’appelle Ariane Monnami, je suis nutritionniste et micronutritionniste et j’accompagne des personnes qui veulent prendre en main leur santé en utilisant des moyens naturels.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre spécialité ?
J’ai démarré mon activité par la médecine générale et très vite, je me suis intéressée à la nutrition car je recevais de nombreuses demandes concernant la perte de poids.
En 2004, j’ai commencé à me former en micronutrition, d’abord avec l’Institut Européen de Diététique et Micronutrition, puis j’ai passé en 2007 le DIU Alimentation Santé et Micronutrition dirigé à l’époque par le Pr Rapin.
En 2010, j’ai approfondi le sujet des liens Alimentation et Santé mentale en passant le diplôme de Neuro-Nutrition organisé par le Dr Olivier Coudron. Depuis 2011, je m’occupe essentiellement de prévention et de formation.
Aujourd’hui les neurosciences, la neurobiologie et les neurotransmetteurs sont des termes dont on entend de plus en plus parler. Quels sont-ils ? Comment sont-ils fabriqués ?
Les neurotransmetteurs également appelés neuromédiateurs, sont les messagers qui font la liaison entre les cellules de notre cerveau.
On a 2 principales familles :
Les catécholamines, avec la dopamine, la noradrénaline et l’adrénaline, qui constituent « la pédale d’accélérateur. » Elles sont essentiellement produites par des cellules des glandes surrénales (adjacentes aux reins), mais également par certains neurones du système nerveux orthosympathique.
Les indolamines, comprenant la sérotonine et la mélatonine, qui constituent « la pédale de frein. » Elles sont produites dans la glande pinéale (épiphyse).
Les neurotransmetteurs sont fabriqués à partir d’acides aminés (des fragments de protéines) : la tyrosine pour les catécholamines et le tryptophane pour les indolamines. Leur fabrication est un mécanisme complexe, faisant intervenir différents cofacteurs comme le fer et certaines vitamines du groupe B.
Quels sont leurs rôles et à quoi servent-ils ?
Les neuromédiateurs constituent le langage de notre cerveau. Ils sont fabriqués en fonction des besoins de l’organisme et sont à l’origine de nos émotions (joie, colère, peur, plaisir…). Ils sont nos antidépresseurs naturels. Prenons un exemple :
Vous avez certainement entendu parler du Prozac. Ce célèbre médicament antidépresseur est un psychotrope de la famille des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Il permet de faire remonter le taux de sérotonine en faisant diminuer sa destruction. Plus précisément, les ISRS diminuent le phénomène de capture de la sérotonine par les neurones présynaptiques. Ainsi, davantage de sérotonine reste disponible au sein de l’espace intersynaptique, ce qui permet de compenser les taux de sérotonine plus bas chez certaines personnes déprimées. Pour rappel, la sérotonine est un modérateur métabolique permettant de mettre au repos l’activité neuronale. Elle possède également un impact positif sur le stress, les angoisses, le sommeil ainsi que sur les fringales sucrées. La sérotonine est également le précurseur de la mélatonine, l’hormone centrale de régulation des rythmes chronobiologiques.
En neuro-nutrition, nous essayons plutôt d’agir à la source en apportant les précurseurs et les cofacteurs indispensables à la fabrication de la sérotonine.
Parmi les principaux neurotransmetteurs connus, on retrouve également :
- Le glutamate : c’est le principal neurotransmetteur excitateur du système nerveux central. Il possède un rôle important dans l’apprentissage et la mémoire. C’est également le précurseur du GABA.
- Le GABA (acide γ-aminobutyrique) : synthétisé à partir de l’aide glutamique, il est le principal neurotransmetteur inhibiteur de l’encéphale. Ses effets viennent contrebalancer les effets excitants du glutamate. Il empêche le cerveau d’être en constante excitation, diminue le rythme cardiaque et la tension artérielle.
- La dopamine : elle est à l’origine de la sensation de plaisir et active ainsi le système de récompense dans le cerveau. Elle est également impliquée dans le contrôle moteur, la motivation et la cognition.
- L’adrénaline : elle intervient dans les mécanismes de défense en réponse au stress. Elle répond à un besoin d’énergie, par exemple, pour faire face au danger. Elle améliore donc la prise de décision, augmente le rythme cardiaque et la pression artérielle afin d’apporter rapidement l’oxygène à nos cellules musculaires. Elle est essentiellement synthétisée par le système nerveux central (SNC) à partir de dopamine.
- L’acétylcholine : il s’agit d’un neuromédiateur excitateur déclenchant la contraction musculaire (activation des neurones moteurs). L’acétylcholine est également impliquée dans l’éveil, l’apprentissage, l’attention et la colère.
Comment savoir si nous sommes carencés en neurotransmetteurs ?
Existe-t-il des symptômes évocateurs d’une carence qui peuvent nous mettre sur la piste ? Peut-on vérifier par des tests scientifiques ces carences ?
Une mauvaise fabrication des neurotransmetteurs va entraîner toute une série de symptômes.
Selon la famille de neurotransmetteur concernée, on pourra avoir soit des signes de ralentissement, soit des signes d’irritabilité ou même d’agressivité. Il est possible de faire un « débroussaillage » avec des questionnaires spécifiques.
Dès qu’une anomalie est suspectée, je conseille de faire un dosage urinaire des neuromédiateurs comme le NeuroSpot car c’est le seul moyen d’obtenir une vue d’ensemble des différents déséquilibres. Il permet de déterminer la charge de stress qui pèse sur le corps, à partir d’un simple prélèvement d’urine et de salive. La technologie brevetée DrySpot dont bénéficie le test Neurospot vous permet d’effectuer très facilement les prélèvements nécessaires par vous-même, chez vous.
Toutes les hormones de stress importantes ainsi que les substances messagères participantes de votre corps peuvent être testées (sérotonine, adrénaline, noradrénaline, GABA, glutamate, cortisol, DHEA…). De plus, l’équilibre peut être rétabli à partir des résultats de ce test.
Quelles sont les pathologies qui peuvent découler d’une carence en neurotransmetteurs ?
Outre la dépression, on peut avoir un manque de motivation, des problèmes de mémoire et de concentration, de la fatigue, des troubles du sommeil, des pulsions alimentaires (fringales, boulimie…) et même de véritables addictions.
On note également un déséquilibre des neurotransmetteurs dans le burn-out (syndrome d’épuisement professionnel), associé à des perturbations du cortisol et de la DHEA.
À long terme, un déséquilibre en neuromédiateurs peut aussi être à l’origine de fatigue chronique, de troubles digestifs (constipation, diarrhée, syndrome de l’intestin irritable…), de troubles obsessionnels compulsifs (TOC), de syndrome prémenstruel, de diminution de la libido, de fibromyalgie et de surpoids.
Si tel est le cas, comment se supplémenter ?
Les éléments à la base pour un bon rééquilibrage des substances messagères doivent être présents dans l’alimentation. C’est pourquoi un régime alimentaire sain, personnalisé, mis en place et suivi par un thérapeute peut conduire à des résultats.
L’alimentation doit être suffisamment riche en acides aminés et donc en protéines pour apporter les précurseurs nécessaires et cela à des moments stratégiques de la journée, notamment en début de journée.
Concernant la sérotonine, sa production varie en fonction du niveau de tryptophane dans le cerveau. Elle intervient majoritairement en fin de journée pour nous permettre de ralentir la cadence et nous préparer doucement à l’arrivée du sommeil. Le tryptophane est un acide aminé essentiel, c’est-à-dire que notre corps ne sait pas le fabriquer. Il doit donc être impérativement apporté via l’alimentation (viandes, poissons…). Toutefois, il est important de savoir qu’il existe une compétition entre les différents acides aminés au niveau du passage de la barrière encéphalique. Ainsi, les aliments protéiniques sont certes des sources de tryptophane mais ils contiennent aussi beaucoup d’autres acides aminés qui entrent en compétition et, par conséquent, limitent son passage dans le cerveau.
Cette concurrence peut altérer significativement la quantité de tryptophane et donc la quantité de sérotonine utilisable au niveau des neurones. Pour contrer ce phénomène, la consommation de sucre induisant la libération d’insuline aura pour effet d’augmenter indirectement les concentrations en tryptophane dans le cerveau et donc de « gagner la compétition ». Ainsi, il est avantageux de s’offrir un en-cas (fruits, noix, chocolat noir…) aux alentours de 17 heures, en parallèle d’une éventuelle complémentation en tryptophane, afin de favoriser la production de sérotonine en fin de journée mais également, afin de s’assurer de la bonne fabrication de mélatonine en début de soirée. À l’inverse, il est contre-productif de se complémenter en tryptophane au cours d’un repas contenant des protéines animales.
Concernant les compléments alimentaires, les acides aminés précurseurs et les cofacteurs (magnésium, vitamine C, vitamines du groupe B…) seront d’une grande aide et peuvent permettre de normaliser les taux sans avoir recours aux médicaments chimiques. Mais attention, mieux vaut éviter l’automédication et se fier aux conseils d’un thérapeute compétent pour éviter tout effet de surstimulation.
Il est notamment déconseillé d’associer le tryptophane (précurseur de la sérotonine) avec des antidépresseurs, ni même avec de la phytothérapie comme le millepertuis ou le griffonia. Les oméga-3 (EPA et DHA) ont également leur importance pour une bonne libération des neurotransmetteurs. De plus, ils assurent une bonne souplesse membranaire des neurones, indispensable pour la bonne expression des récepteurs de neurotransmetteurs.
Dr Ariane MONNAMI Médecin nutritionniste et micronutritionniste Lyon (79) ariane.monnami@free.fr |