Reconnue par les chamanes de Mongolie comme l’une des leurs et formée pendant plusieurs années aux rituels et techniques de transe, Corine Sombrun est à l’origine des premières recherches scientifiques sur la transe chamanique mongole.
Depuis 2007, elle est à l’initiative de plusieurs études démontrant que la transe est non seulement un potentiel de tout cerveau humain, mais qu’il est également possible de l’induire par la seule volonté.
Elle a co-fondé en 2019 avec le Pr Francis Taulelle le TranceScience Research Institute : un réseau international de chercheurs investis dans l’étude des mécanismes et des applications thérapeutiques liés à ce potentiel, désormais appelé : « Transe Cognitive ».
La transe cognitive est une expression de la capacité naturelle du cerveau à vivre un état de transe et à l’auto-induire. Des études anthropologiques ont montré que sur 488 sociétés étudiées dans le monde, plus de 90 % avaient une forme institutionnalisée de pratique de la transe (Bourguignon, E.,1973).
Cet état est généralement induit par différentes techniques comme les percussions, la danse, les plantes psychoactives, les mouvements de rotation, mais jamais encore par la seule volonté. La transe cognitive a cette particularité. Abstraite de tout rituel ou expression culturelle, il s’agit d’une transe induite par la seule volonté.
Grâce à sa formation de musicologue, Corine est parvenue à identifier les séquences sonores qui provoquent cet état chez elle, et à réaliser avec des chercheurs un montage plus efficace que le son du tambour.
Elle a ainsi réalisé des séquences sonores permettant d’induire cet état de transe. Aujourd’hui reconnue comme une potentialité du cerveau (Flor-Henry et al. 2017), l’étude de cet état de transe et sa mise en évidence sont le résultat d’un programme de recherche initié en 2007 par Corine. Testé sur plus de 1000 volontaires, ce programme a permis en moyenne à 90 % d’entre eux de vivre une transe et d’apprendre à l’auto-induire.
De nouvelles recherches sur la transe cognitive par EEG et IRMf sont initiées depuis juin 2018 sous la direction du Pr Laureys et des Drs Gosseries et Vanhaudenhuyse, en collaboration avec l’Université de Liège, le Giga Conscioussness et l’Institut TranceScience. Parmi elles, on compte notamment :
- une étude (1 sujet) EEG 256 canaux, IRMf, Pet scan, TMS (Behavioural and brain responses in cognitive trance: a TMS-EEG case study, Clinical Neurophysiology, 2019 (https://doi.org/10.1016/j.clinph. 2019.11.011),
- une étude (2019) sur une cohorte de 27 « transeurs », pour mesurer les similitudes et différences de l’état de Transe Cognitive avec l’hypnose, la méditation et les expériences de mort imminentes (EMI/NDE). En cours de publication,
- une étude (en cours) avec 25 transeurs, sur la mesure en état de transe, de la modification de la force et de la perception de la douleur,
- une étude en oncologie (2021) avec 123 sujets, pour évaluer sur une période d’un an, les bénéfices cliniques de la pratique de la transe cognitive vs hypnose sur un groupe de symptômes (douleur, fatigue, sommeil, détresse émotionnelle).
Un projet de recherche (2021) par EEG sur l’étude des effets de la transe en apesanteur (à bord de l’Airbus Zéro-G) est également en cours, porté par le Dr Vanhaudenhuyse et en collaboration avec l’Université de Liège, le Giga Conscioussness, l’Institut TranceScience, le CNES/Observatoire de l’Espace, Antoine Bioy de l’Université Paris 8 Vincennes Saint- Denis, Olivia Gosseries de l’Université et Hôpital Universitaire de Liège, Alexandre Coutte de l’Université de Paris Nanterre, Joanic Masson de l’Université de Picardie Jules Verne, Baptiste Lignier et Pierre De Oliveira de l’Université de Bourgogne et Renaud Evrard de l’Université de Lorraine.
Les principaux effets observés chez les sujets en transe sont :
- une augmentation de la force,
- une diminution de la perception de la douleur (physique et psychique),
- une modification de la perception de l’espace et du temps,
- une mise en mouvement (non volontaire) du corps,
- l’émergence de visions ou de perceptions sensorielles hors normes,
- un accès amplifié à des informations peu ou pas accessibles dans un état de conscience ordinaire.
Cette année, le TranceScience Research Institute a réalisé une première série d’ateliers pour le corps scientifique et médical auxquels ont participé plus de 160 professionnels.
« Comment comprendre l’état de transe sans la pratiquer ? » dit Corine.
Ceux d’entre eux qui le souhaitent pourront également recevoir une formation de trois ans pour utiliser ce protocole alternatif dans un cadre thérapeutique.
« Mobiliser l’émotion plutôt que notre hémisphère cartésien ouvre de nouvelles perspectives de diagnostic et d’empathie avec le patient », anticipe une praticienne candidate.
Des applications thérapeutiques se dessinent, que Francis Taulelle lui-même a pu tester. Partiellement paralysé à la suite d’une compression médullaire, le chercheur est parvenu à remobiliser son bassin au cours d’une première transe.
Par la suite, il a perfectionné son apprentissage et retrouvé à force de répétitions une motricité totale. « Nous formulons l’hypothèse que la transe amplifie certains potentiels d’autoguérison en permettant au cerveau de lever l’inhibition de circuits neuronaux subconscients », suggère-t-il.
Un premier pas vers l’homme augmenté… par lui-même ?
Encore peu d’études se sont intéressées à l’effet de la transe sur le cerveau. Il ressort de ces premiers travaux que les régions cérébrales impliquées dans la gestion d’informations venant de l’environnement extérieur (cortex cingulaire antérieur dorsal, insula par exemple), ainsi que dans la gestion d’informations liées à la conscience de soi (cortex cingulaire postérieur – réseau du mode par défaut) fonctionnent différemment lorsque la personne est en état de transe (Hove, M.J. et al., 2016). De plus, les régions du cerveau impliquées dans les perceptions sensorielles (cortex auditif et visuel, notamment) démontrent une activation différente lorsque la personne est en état de transe, par rapport à un état de conscience ordinaire (Mainieri, A.G. et al., 2017). L’activité électrique du cerveau semble être caractérisée par une modification des rythmes bêta particulièrement dans des régions frontale, pariétale et occipitale (ces régions sont notamment connues pour leur implication dans la perception de soi) (Flor-Henry, P. et al., 2017). Il ressort également un transfert de prédominance de l’hémisphère gauche et du lobe préfrontal antérieur, vers une prédominance de l’hémisphère droit avec un déplacement spécifique du mode de conscience antérieur préfontal vers le mode de conscience droit somato sensoriel postérieur (Flor-Henry, P. et al., 2017).
Ce à quoi la transe donne accès est encore difficile à entendre dans nos sociétés industrielles contemporaines, mais la question interpelle. Si les animaux domestiques sont capables de détecter des maladies, de repérer sans doute des odeurs, des informations dans l’environnement, l’état de transe permettrait d’entrer « en contact intime » avec tout le vivant, et de ressentir un champ de perceptions peu ou pas accessible dans notre état de conscience ordinaire, explique Corine Sombrun.
La transe cognitive est donc un état de conscience amplifiée, identifié comme un phénomène dissociatif non pathologique, permettant à la cohérence des processus infra- conscients de s’exprimer (Flor-Henry et al. 2017). À la fois outil d’exploration d’une réalité sous-jacente et technique d’amplification cognitive, cet état naturel de transe donne accès à des informations non accessibles dans un état de conscience ordinaire, et facilite l’accès aux processus décrits dans les moments d’inspiration, où la notion de temps disparaît, où l’émergence d’intuitions, d’idées ou de solutions originales sont amplifiées et fluides.
En laissant le corps s’exprimer au travers de mouvements non décidés, la transe cognitive se révèle aussi particulièrement intéressante pour révéler de façon naturelle des ressources profondes de guérison et d’apprentissage intuitif, ce qui en fait sa puissance cognitive et son potentiel curatif.
En ouvrant l’accès à des insights, à des vécus émotionnels traumatiques ou à des mémoires dissociées, cet état permet de les traiter, grâce notamment à la diminution de la perception de la douleur (physique comme psychique) et à l’augmentation de la force.
En résumé, en confrontant les expériences vécues et les études actuelles en neurosciences :
- la transe cognitive est bien un état de conscience modifié, voire augmenté,
- non pathologique car volontaire, réversible sans séquelles, ne provoquant pas de détresse ou de handicap significatif,
- auto-inductible sans drogues ni outils extérieurs,
- une capacité cognitive accessible à tout humain,
- un outil d’amplification cognitive et de transformation personnelle,
- ayant forcément une influence sur la façon d’être dans la vie.
Les recherches se concentrent autour des différents champs d’utilités :
- amplifier les mécanismes d’autoguérison physiques et psychiques,
- applications thérapeutiques en psychologie, psychiatrie, perception de la douleur, soins palliatifs,
- dans l’éducation et la créativité,
- dans les interactions de groupe et avec l’environnement.
Corine Sombrun, Écrivaine et créatrice de la trance cognitive Dr Marik Cassard, Médecin – Homéopathe |