Dans la mesure où nous passons près de 80 % de notre temps dans des espaces clos, qu’ils soient privés (appartement, maison, voiture…) ou publics (travail, école, administration, lieux de loisirs…), la qualité de l’air intérieur devrait être une préoccupation majeure de notre quotidien. Pourtant, à la différence de la pollution de l’air extérieur, plus médiatisée, celle de l’air intérieur reste relativement méconnue et sous-estimée. La qualité de l’air dans les lieux fermés inquiète peu les citoyens de l’hexagone : 90 % des Français ont le sentiment que l’air de leur logement est de bonne qualité et 60 % estiment, à tort, que la qualité de l’air est généralement meilleure à l’intérieur qu’à l’extérieur1. Mais nos lieux de vie sont souvent plus pollués que ce que l’on croit ! Plusieurs études ont révélé que l’air de nos maisons pouvait être jusqu’à 5 fois plus pollué que l’air extérieur2.
La réduction de la pollution domestique passe en premier lieu par la connaissance des différentes sources de polluants et, dans un second temps, par la mise en place de moyens efficaces pour la juguler.
Il existe de nombreuses causes de pollution qui peuvent dégrader la qualité de l’air d’un logement :
- La pollution peut être directement liée aux éléments constitutifs du bâtiment par le biais des matériaux de construction (isolations, peintures, colles, vernis…) ou des revêtements de sol (moquettes, linoléums, parquets…).
- Elle peut également être associée aux occupants ainsi qu’aux activités anthropiques : présence d’animaux domestiques, tabagisme, combustion de bougies, produits ménagers, produits cosmétiques (parfums, déodorants…), bricolage, cuisine, jardinage (pesticides, insecticides…).
- Selon la situation géographique du lieu, la pollution peut aussi venir de l’extérieur : proximité du trafic automobile, qualité du sol (radon, pollution due à une activité industrielle passée…). Le radon est un gaz radioactif naturel contenu dans les sols, qui s’infiltre dans les habitations et qui s’accumule dans les espaces peu ventilés, tels que les caves. En France, le radon domestique est la deuxième cause de mortalité par cancer du poumon après le tabagisme3. Les régions au sous-sol granitique ou volcanique comme la Bretagne, le Limousin, le Massif central ou la Corse sont les plus touchées.
- Enfin, les équipements présents dans un espace clos peuvent aussi avoir un impact sur la qualité de l’air :
système de chauffage, stockage des déchets, VMC mal entretenue, appareils de bureautique (imprimantes…), textile d’ameublement…
Les polluants ont des identités variées et peuvent être classés selon leur nature : d’origine chimique, physique ou biologique.
Origine chimique
Les composés organiques volatils (COV) font partie des polluants les plus courants. Ils se retrouvent sous forme de gaz ou de vapeur, d’où leur capacité à se propager loin de leur lieu d’émission. Les COV proviennent généralement de matériaux de construction (bois agglomérés, contreplaqués, moquettes, linoléums, planchers, mousses isolantes, peintures, vernis, joints…), de produits de consommation courante (nettoyants ménagers, cires, aérosols, désodorisants d’atmosphère, blocs W.-C, produits d’hygiène corporelle, solvants…) et de processus de combustion (cuisson, tabagisme). Il existe plusieurs milliers de COV mais ce sont les différentes formes d’aldéhydes qui représentent les molécules les plus fréquentes et généralement les plus concentrées dans nos intérieurs. Ainsi, ces composés sont observés dans 99,4 à 100 % des logements. Les COV regroupent également les hydrocarbures (toluène, xylène, trichloréthylène…), les oxydes d’azote (Nox), le monoxyde de carbone, les terpènes et les glycols. Toutes ces substances constituent le “bruit de fond” de la pollution chimique intérieure.
Origine physique
On retrouve ici les particules apportées par l’air extérieur (pollens, gaz d’échappement), les substances dégagées par le chauffage au bois ou au fioul ainsi que les fibres (laines minérales, végétales ou animales, amiante, fibres textiles). La poussière contient également des particules très petites pouvant être inhalées.
Origine biologique
Ces polluants regroupent tous les allergènes provenant d’animaux domestiques (poils, plumes, salive…), les bio contaminants (peaux mortes, cheveux…), ainsi que les micro-organismes et les agents infectieux (acariens, spores, moisissures, bactéries, virus…). Les moisissures se développent dans les endroits où il y a beaucoup d’humidité, comme autour des fuites dans les toits, les fenêtres, les tuyaux, ou là où il y a eu des inondations. Ces substances peuvent également proliférer dans certains équipements d’aération mal entretenus. Une étude a mis en évidence la présence récurrente d’espèces fongiques telles que Aspergillus versicolor, P. crustosum et Penicillium chrysogenum, qui pourraient être utilisées comme indicateurs microbiologiques de la contamination fongique de l’air intérieur4.
Les conséquences d’une mauvaise qualité de l’air sur notre santé sont nombreuses. Les effets peuvent être visibles immédiatement ou se manifester sur le long terme. Ils sont dépendants de la nature du polluant et des quantités inhalées. L’âge, la sensibilité et les habitudes de vie sont également des éléments à prendre en compte.
Les réactions immédiates se traduisent par une gêne au niveau des yeux, du nez, de la gorge ainsi que par des troubles des voies respiratoires. Concernant les expositions chroniques, l’OMS considère que la pollution de l’air à l’intérieur des habitations est responsable de nombreuses maladies : AVC, cardiopathies ischémiques, broncho-pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) et cancers pulmonaires. Près de la moitié des décès par pneumonie chez l’enfant de moins de 5 ans sont dus à l’inhalation de matières particulaires provenant de la pollution de l’air intérieur5. On retrouve également des altérations des performances cognitives, une augmentation du risque de maladies rénales et une nette exacerbation des allergies et de l’asthme. Par ailleurs, on estime que la pollution de l’air serait en grande partie responsable de la forte augmentation de l’asthme et des allergies ces 20 dernières années.
Une exposition régulière à de faibles concentrations de contaminants (COV, spores de moisissures…) peut aboutir à ce que l’on appelle le syndrome du bâtiment malsain (SBM). Il est associé à une augmentation de la réactivité bronchique et à une inflammation éosinophile6. Le SBM regroupe des symptômes divers tels que des maux de tête, des difficultés de concentration, de la fatigue anormale, des troubles cutanées (irritations, démangeaisons, eczéma…) et des difficultés respiratoires (asthme, toux chroniques, éternuements à répétition…). Ce syndrome est considéré comme un problème majeur par la médecine du travail, sachant que plus de 50 % de l’ensemble des salariés des pays industrialisés travaillent dans des espaces clos, et que près de 20 à 30 % d’entre eux présentent des symptômes suggérant la prévalence du SBM.
La qualité de l’air possède également un impact économique. D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), le coût socio-économique des polluants de l’air intérieur (liés aux besoins de soins, aux frais hospitaliers…) serait proche de 19 milliards d’euros annuels en France7.
Alors, comment améliorer la qualité de l’air chez vous ?
Pour commencer, il est primordial d’assurer le bon renouvellement de l’air grâce à un système de ventilation adapté à la taille du logement, du nombre d’occupants et du style de vie. Que la ventilation soit naturelle ou mécanique, l’objectif est de remplacer l’air vicié par de l’air “neuf”. L’air doit pouvoir circuler librement à travers tout le bâtiment, il est donc nécessaire de laisser les espaces situés sous les portes dégagées (le détalonnage), de nettoyer régulièrement les grilles de ventilation et d’en changer le filtre si besoin. Pensez également à vérifier que les entrées d’air et les bouches d’extraction ne sont pas obstruées. En complément, prenez l’habitude d’ouvrir les fenêtres au moins 10 minutes par jour. Lors de pics de pollution extérieure, aérez plutôt le matin et le soir, quand la pollution de l’air est la moins forte.
Pour avoir une qualité de l’air optimale, il est également nécessaire de réduire les sources de polluants :
- Éviter de fumer en intérieur, même à côté d’une fenêtre ouverte.
- Penser à entretenir régulièrement les appareils de combustion (cheminée, gazinière…).
- Limiter l’utilisation de bougies, d’encens et de parfums d’ambiance dont l’utilisation rejette d’importantes quantités de formaldéhyde et de particules fines pouvant pénétrer profondément dans les poumons.
- Utiliser une hotte qui permet de limiter la diffusion de polluants et d’humidité dans la cuisine.
- En termes de nettoyage, privilégier les produits “traditionnels” comme le vinaigre blanc, le savon noir ou le bicarbonate de soude. D’après le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), 91 % des produits ménagers émettent des substances cancérogènes avérées pour l’Homme.
- Pour lutter contre l’humidité, surveillez la présence de moisissures et évitez de faire sécher le linge à l’intérieur ou veillez à bien aérer.
- Entretenir son logement afin d’éliminer la poussière régulièrement. Dans la mesure du possible, équipez-vous d’un aspirateur possédant un filtre à particules à haute efficacité HEPA. Les filtres de classe HEPA représentent le moyen le plus efficace pour filtrer l’air des saletés, pollens, bactéries, acariens.
- Choisir des matériaux à faibles impacts sanitaires. Depuis le 1er janvier 2012, l’emballage des produits de construction et de décoration doit comporter une étiquette sanitaire qui indique leur niveau d’émission de polluants volatils. Cette étiquette, qui va de C à A +, correspond à des seuils limites de concentration dans l’air pour une dizaine de polluants. De plus, certains labels représentent des repères supplémentaires afin de choisir des produits de construction à faible émission : le label Emicode pour les colles, les vitrificateurs et les mortiers, le label GUT pour les tapis et les moquettes, le label Ange bleu pour les revêtements de sol et muraux (peintures, papiers peints, parquets, linoléums…).
Il existe également des systèmes d’épuration de l’air intérieur, destinés au piégeage ou à la destruction de nombreux contaminants chimiques et microbiologiques. Les purificateurs d’air sont des appareils qui pourraient limiter la propagation des substances nocives ou allergiques et prévenir les problèmes d’asthme liés à la qualité de l’air. L’efficacité de ces appareils est très dépendante de la qualité des filtres utilisés (HEPA, charbon actif…). Ainsi, privilégiez des purificateurs produits par des marques sérieuses et compétentes dans le domaine, proposant un débit d’air adapté à la taille de la pièce et affichant les résultats de véritables tests en laboratoires indépendants.
Certains purificateurs ne se basent pas sur la filtration mais sur un procédé de photocatalyse. Il s’agit d’une réaction induite par l’action d’un rayonnement UV sur un substrat, généralement du dioxyde de titane. Par ailleurs, la grande majorité des matériaux de constructions et de revêtements dits “dépolluants” (peintures, plaques de plâtre, ciment, ampoules, carrelage…) utilise également ce procédé. Le dioxyde de titane est une substance classée par le CIRC comme potentiellement cancérogène pour l’homme. Son utilisation pose donc question compte tenu de la toxicité de ces nanoparticules qui pourraient être relarguées, notamment en cas d’usure ou de perçage des différents matériaux. De plus, l’innocuité du procédé de photocatalyse semble être remise en cause. En effet, il est difficile de garantir que la réaction photocatalytique sera complète et ne produira que de l’eau et du CO2. Il se peut que la réaction soit partielle et conduise à la formation de sous-produits présentant une toxicité supérieure à celle des polluants à traiter (cétones et aldéhydes notamment).
Enfin, le marché des plantes dépolluantes connaît un véritable essor depuis quelques années. Historiquement, ce sont les agences spatiales américaines et soviétiques qui sont à l’origine des recherches sur l’utilisation des végétaux en vue d’améliorer l’épuration de l’air des véhicules spatiaux. La capture des polluants se fait par les pores présents sur les feuilles des végétaux, aussi appelés stomates. Il est donc conseillé de nettoyer régulièrement la poussière qui se dépose sur les feuilles des plantes d’intérieur afin de leur permettre de mieux “respirer” et d’absorber les polluants de l’air. Une fois à l’intérieur des tissus foliaires, les polluants peuvent s’y accumuler et/ou y être progressivement dégradés. Le système racinaire est également capable d’absorber une petite partie des polluants dissous dans le sol. L’usage de plantes dans le but de réduire la pollution d’un milieu est connu sous le nom de phytoremédiation.
Près d’une centaine d’espèces reflétant la diversité des végétaux utilisés comme plantes d’intérieur ont été étudiées. Parmi les plantes dépolluantes les plus communes, on retrouve notamment les ficus qui absorbent principalement le formaldéhyde, le xylène et l’ammoniac. Les espèces Ficus benjamina, Ficus elastica et Ficus lyrata sont généralement les plus utilisées en tant que plantes d’intérieur. Toutes les fougères sont des végétaux possédant un grand pouvoir d’absorption, elles seront très efficaces pour dépolluer les substances volatiles issues des produits d’entretien, du mobilier et des revêtements. La plante-araignée ou Chlorophytum est une plante très robuste, idéale pour améliorer l’oxygénation d’une pièce et absorber le monoxyde de carbone, le benzène et le trichloréthylène. La plante-araignée et le Spatiphyllum, font partie des plantes anti-tabac par excellence. D’après l’Agence de la transition écologique (ADEME), la plupart des travaux scientifiques ont permis de confirmer les capacités épuratrices de certaines plantes en laboratoire. Cependant, en l’état actuel des recherches, les rendements d’épuration observés lors de l’utilisation de plantes en pot dans les espaces réels restent faibles. Ainsi, l’usage de plantes dépolluantes pourrait contribuer au bien-être, mais en matière d’amélioration de la qualité de l’air intérieur, la priorité reste la prévention et la limitation des sources de pollution couplée à un système de ventilation et d’aération efficace.
Références :
- Sondage Harris, La perception de la qualité de l’air intérieur en France, aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni.
- Ministère japonais de la Santé, du Travail et de la Protection sociale, « National Indoor Air Field Survey Report » 2013. Ratio de l’air intérieur et de l’air extérieur basé sur la valeur moyenne de 12 types de COV.
- Bulletin épidémiologique hebdomadaire – Impact sanitaire du radon domestique : de la connaissance à l’action. Institut de veille sanitaire. Numéro 18-19, 2007.
- Etude MOLD’AIR – 2019.
- Organisation Mondiale de la Santé – Pollution de l’air à l’intérieur des habitations et la santé. 8 mai 2018.
- Xin ZhangDampness and moulds in workplace buildings : associations with incidence and remission of sick building syndrome (SBS) and biomarkers of inflammation in a 10 year follow-up study. 2012.
- ANSES – Etude exploratoire du coût socio-économique des polluants de l’air intérieur.